La pierre de Saint-Maximin (60) : un matériau tout terrain
Elle a bâti des cathédrales, élevé des hôtels particuliers, bordé des avenues prestigieuses, traversé les siècles, les continents et séduit tailleurs, bâtisseurs ou architectes de renom. Longtemps discrète, sortie du sous-sol de l’Oise, la pierre de Saint-Maximin est désormais omniprésente dans le paysage du bassin parisien… et visible au-delà ! De Notre-Dame à Roland-Garros, du Louvre Abu Dhabi aux HLM parisiens, cette roche calcaire façonne l’histoire architecturale de la capitale française et les réalisations novatrices du bout du monde. Et ce n’est pas près de s’arrêter ! Ses qualités écologiques et sa production dans un ancrage local en font un matériau de choix dans une démarche d’écoconstruction. Partez à la rencontre de la pierre de Saint-Maximin entre géologie, patrimoine et construction responsable.

Tout commence il y a 45 millions d’années
Bienvenue à l’ère tertiaire, durant la période de l’Éocène. La pierre de Saint-Maximin se forme progressivement dans une mer chaude et profonde du Bassin parisien, où coquillages, algues, sables et microfossiles se déposent et s’accumulent au fond. De petits grains de calcite cimentent alors le tout. On parle alors de calcaire lutécien, en référence au nom latin de Paris, Lutèce. D’autres pierres célèbres sont issues de cette formation, comme la pierre de Paris, la pierre de Meudon, la pierre de Chaville, et la pierre de L’Haÿ-les-Roses. Toutes présentent les mêmes caractéristiques : une teinte claire, une texture homogène et une grande durabilité. Dans le jargon des tailleurs de pierre, on dit que ce calcaire “se travaille bien” : suffisamment tendre pour être sculpté, mais assez résistant pour durer.
La pierre de Saint-Maximin : ça c’est Paris !
Très vite, la proximité avec Paris et les propriétés de la pierre de Saint-Maximin ont favorisé son usage dès l’Antiquité. Son extraction constitue la première industrie humaine dans le bassin creillois.
Mais le véritable essor se produit au Moyen-Âge avec le transport par voie fluviale. « L’Oise a joué un rôle important », raconte Emmanuel Campain, directeur commercial de l’entreprise Degan qui exploite aujourd’hui encore la pierre de Saint-Maximin. « Alors qu’il fallait 6 jours en char à bœuf pour rejoindre Paris, le fleuve permettait d’en mettre 2 par bateau, avec un chargement non plus de 3 m3 mais de 100 à 120 m3. » Tour Saint-Jacques, Saint-Eustache, Louvre, Invalides, place Vendôme… La pierre de Saint-Maximin s’invite dans tous les chefs-d’œuvre de la capitale.
. La roche a accompagné la verticalité croissante de la ville, de ses clochers gothiques à ses façades classiques, participant à façonner l’image et la renommée de notre capitale.
Une pierre sans frontières et sans barrières
Mais le succès de la pierre de Saint-Maximin ne se limite pas au Paris du XVIIe siècle. Architectes et bâtisseurs contemporains lui font confiance, au-delà des frontières françaises ! On la retrouve effectivement dans des projets aussi variés que le Louvre Abu Dhabi, la Fondation Louis Vuitton, la Maison du Vin à Pékin, ou même des résidences à Beverly Hills et sur le campus de Stanford.
N’allez pas croire pour autant que la roche francilienne a des goûts de luxe ! Elle est aussi utilisée pour construire des logements sociaux, comme ceux de la ZAC Beaujon dans le 8e arrondissement de Paris, avec la même pierre de taille que ses voisins haussmanniens. Utiliser la même roche, extraite à quelques kilomètres de là, garantit non seulement l’esthétique, mais aussi la compatibilité et la continuité dans les constructions de la ville.
Plus inattendu : la pierre de Saint-Maximin est aussi présente dans la fameuse terre battue de Roland-Garros. Ce sable, issu du concassage de certains faciès géologiques bien précis, participe à cette couleur ocre unique et à la qualité du rebond qui fait la réputation du tournoi. « Nous sommes également fiers de faire partie des Bâtisseurs de Notre-Dame de Paris » complète Emmanuel Campain. « Nous avons fourni de la pierre de Saint-Maximin pour toutes les pièces exceptionnelles : les gargouilles, les chimères, etc. Il s’agissait de blocs bruts d’une taille exceptionnelle, certains mesuraient 4 mètres 50 de long et 1 mètre 50 de largeur. »
La restauration du patrimoine constitue aujourd’hui l’activité principale des carrières de Saint-Maximin. Pont-Neuf, Sainte-Chapelle, Palais Bourbon… la roche francilienne retrouve sa place dans les monuments qui l’ont vue naître.
Son secret ?
Pour Mélanie Baticle, responsable des contenus culturels de la Maison de la Pierre de Saint-Maximin, le succès de cette roche tient essentiellement dans sa polyvalence. « À Saint-Maximin, il y a une grande diversité de strates avec des duretés et des faciès différents. On va avoir une pierre très coquillée ou au contraire une roche très fine, de la pierre très dure ou de la pierre très tendre. » Idéale pour s’intégrer à tous types de projets, d’architectures, d’environnements, d’époque et d’usages. Fondations, élévations, façades décoratives : la pierre de Saint-Maximin répond présente partout. Une pierre à tout faire et des sites d’extraction uniques. Pratique !
Utilisée depuis la nuit des temps, sa durabilité et sa solidité ne sont plus à prouver. Et ça n’est pas près de s’arrêter…
Lutécienne mais moderne
Extraite localement, faiblement transformée, très durable, la roche de l’Oise présente des caractéristiques modernes, capables de répondre aux défis architecturaux actuels.
Son empreinte carbone réduite et son important potentiel d’isolation en font un matériau idéal pour limiter les consommations d’énergie des bâtiments et les besoins en climatisation. Elle ne contient par ailleurs aucun composant chimique. Parfaite pour les projets labellisés HQE.
« L’exploitation de la pierre à Saint-Maximin fait partie du patrimoine local et notre activité est profondément ancrée dans le respect de cet héritage » précise Emmanuel Campain. « Nous préservons l’environnement en travaillant de manière responsable, tout en continuant à répondre aux besoins modernes de la construction. » Les cinq carrières en activité travaillent en effet en étroite collaboration avec des naturalistes : création de mares, limitation des défrichements pendant les nidifications… Tout est fait pour concilier activité économique et préservation de l’écosystème et la biodiversité.
Poussez la porte de sa Maison
À Saint-Maximin, un lieu valorise ce patrimoine géologique et historique ainsi que les métiers qui y sont associés : la Maison de la Pierre, « un témoignage de l’histoire important » pour Emmanuel Campain. Sous l’impulsion des collectivités et des professionnels du secteur, elle propose des visites et des ateliers pédagogiques permettant notamment de découvrir le processus d’extraction et de taille de la pierre de Saint-Maximin au fil des siècles. L’accès à une carrière souterraine est également proposé. « Nous montrons aux visiteurs les premières lampes à huile, puis les lampes à carbure » explique Mélanie Baticle, la responsable des contenus culturels. « Ce sont des métiers restés longtemps très manuels jusqu’à l’arrivée de la mécanisation qui n’est arrivée que dans le courant du XIXe siècle. C’est après-guerre que de nouvelles techniques ont véritablement révolutionné l’extraction de la pierre à Saint-Maximin. » Plus insolite, la visite permet de découvrir qu’après leur fermeture, certaines carrières de la région ont connu une seconde vie : champignonnières ou abris pendant la guerre.
Envie de mettre la main à la pierre ?
La Maison de la Pierre à Saint-Maximin est aussi un espace d’expérimentation et de sensibilisation. Des stages d’initiation à la taille et à la sculpture sont proposés aux visiteurs, petits et grands. Une manière concrète de faire vivre la mémoire d’un matériau tout en préparant ses usages de demain.
Le lieu accueille également des expositions temporaires et des événements dédiés à la pierre dans l’art, l’architecture ou l’environnement. De quoi connecter le passé au présent, et d’élargir le regard sur ce matériau à la fois humble et remarquable.
Qu’elle borde les berges de l’Oise ou s’invite sur les plus beaux monuments parisiens, la pierre de Saint-Maximin continue de façonner nos paysages. Porteuse d’histoire, mais résolument ancrée dans les enjeux contemporains, elle illustre ce que les matériaux de construction ont de plus inspirant : la capacité à traverser le temps. Une raison de plus pour visiter la Maison de la Pierre… et regarder les murs qui nous entourent différemment. Ouvrez l’œil lorsque vous visitez certains monuments franciliens, ils sont peut-être en pierre de Saint-Maximin !