
« Faire de la ville une vaste oasis Nature » – interview d’Hubert Reeves
11 août 2016 - Développement durable
Président d’honneur de l’association Humanité et Biodiversité, partenaire de l’UNICEM et de l’UNPG, l’astrophysicien Hubert Reeves est un acteur majeur de la sensibilisation du grand public et du monde économique aux enjeux environnementaux.
Un entretien qui engage “à viser haut et à agir vite”.
Quelles sont les priorités d’Humanité et biodiversité à court et moyen terme ?
H.R.: Il y a du pain sur la planche ! Nous tenons à nous adresser à la fois à tout le monde et en particulier aux décideurs des mondes économique et politique.
À tout le monde car beaucoup de personnes ne se contentent plus de mots, elles veulent agir, participer au sauvetage – le mot n’est pas trop fort si l’on en croit les scientifiques –, c’est-à-dire contribuer à la préservation de la biodiversité. C’est pourquoi, pour répondre à ce désir d’action positive, nous proposons la création d’Oasis Nature car, à défaut d’avoir un jardin, il suffit d’une jardinière, d’un bac à fleurs pour y semer ou planter des végétaux qui attireront des insectes. Ainsi nous aurons favorisé l’existence d’un début de chaîne du vivant…
En particulier aux décideurs car, non seulement eux aussi peuvent créer leur Oasis, mais ils ont d’autres pouvoirs donc d’autres responsabilités ! Le Gouvernement et le Parlement sont des décideurs importants. Nous leur soulignons combien la loi sur la biodiversité, la loi sur l’agriculture et la forêt doivent traiter à égalité les trois piliers d’un développement soutenable.
Le monde économique est constitué de personnes plus entreprenantes que d’autres, c’est pourquoi elles prennent des risques plus que d’autres. Mais généralement, ce sont des risques mesurés. Ayant bien noté leur aptitude à mesurer les risques, nous voulons leur montrer combien serait grand celui de laisser perdurer une situation qui aurait de lourdes conséquences sur leur entreprise. Évidemment, nul, dans le monde des décideurs, ne peut agir sans prévoir les conséquences à venir et nous voulons rendre définitivement obsolète la formule “Après moi, le déluge”.
Comment s’assurer que le développement économique – et plus concrètement celui lié aux besoins exponentiels en matière d’habitat – s’inscrive dans une démarche respectueuse de la biodiversité ?
H.R. : Bien sûr, se loger est une nécessité… (il faudra peut-être s’interroger sur la pertinence d’une croissance sans frein du nombre d’habitants mais ceci est un autre débat). Les logements, les installations industrielles et commerciales, les infrastructures qui y mènent… tout cela soustrait des surfaces importantes qui ne sont plus disponibles pour l’agriculture par exemple. Et qui ne le sont plus pour la nature sauvage.
Pourtant se nourrir est vital. Les zones humides ou forestières nous sont bénéfiques. L’artificialisation des sols devient un péril. La Trame verte et bleue décidée au Grenelle de l’Environnement est une nécessité. Nous sommes dans la complexité la plus totale et nous tentons donc de rendre évident le besoin de ne pas se croiser les bras devant les perturbations induites par l’activité humaine et qui se retournent contre l’humanité.
Il faut renaturer la ville (c’est faisable) et cesser d’artificialiser les campagnes sinon ce sera comme la quadrature du cercle. En fait, il faut viser à faire de la ville une vaste Oasis Nature !
Votre association a accepté de relire le guide pratique UNPG de l’engagement dans la stratégie nationale pour la biodiversité. En quoi cette collaboration illustre, selon vous, ce que pourraient être les relations entre ONG et secteur industriel ?
H.R. : Heureuse initiative que le guide de l’UNPG qui incite les adhérents de l’UNICEM à s’engager dans la SNB (Stratégie nationale pour la biodiversité). Tout commence toujours par des paroles et des écrits. Il faut passer à l’acte le plus vite possible. Cependant pour ne pas être juge et partie, il est fort louable que l’UNICEM conçoive des partenariats avec des associations.
À Humanité et Biodiversité de vous convaincre de viser haut. Les objectifs socio-économiques de vos membres et leurs objectifs écologiques sont à conjuguer pour qu’ensemble, aucun des piliers du développement soutenable ne soit abandonné.
L’idéal serait que les décisions ne soient pas prises sous la contrainte des lois et réglementations mais par conviction. C’est notre ambition de vous aider à ce que vos adhérents aient cette conviction et si l’ambition est partagée, tous les espoirs sont permis.